Qu'est ce que le chaos déterministe?

La science et les phénomènes "simples"

Le raisonnement en sciences ne diffère pas radicalement de celui de la vie de tous les jours. Il s'agit de se construire un modèle représentant la réalité de manière satisfaisante. Une grande différence vient pourtant du fait suivant : ce modèle doit pouvoir être transmis de la manière la plus précise qu'il soit. En effet la science se construit au fur et à mesure des générations, chaque scientifique y apporte sa pierre qui servira à bâtir le grand édifice. Il est donc tout à fait naturel de commencer l'étude par les phénomènes "simples".

Même sans donner de définition précise de ce qui est "simple", on peut tomber d'accord sur le fait

qu'étudier la chute d'une bille dans le vide ou le trajet de la lumière dans du verre est "simple"
alors que les mouvements de l'air atmosphérique, la chimie du vivant ou les comportements humains ne sont pas "simples".

On peut penser que ce qui nous paraît "simple" peut être décrit en peu de mots ou de variables. La physique et la chimie fournissent un grand nombre de sujets d'études "simples", aussi ont-elles pu progresser de concert avec les mathématiques depuis plusieurs siècles.
D'autres sciences comme les sciences humaines et les sciences du vivant possèdent peu de sujet d'étude "simple" et les mathématiques développées pour la physique du "simple" ne leurs était pas d'une grande utilité.

La science et les phénomènes "compliqués"

Une approche payante: la recherche d'invariants

Avant de traiter le problème des phénomènes "compliqués", posons nous la question suivante: qu'est ce qui guide la recherche scientifique?

Bien sur le scientifique progresse avec méthode, mais dans quelles directions regarde-t-il pour avancer?
Quand nous avançons dans l'inconnu, nous cherchons des points de repère, étoiles fixes pour les navigateurs, nord magnétique, ligne blanche sur la route, bref, ce qui ne change pas.

La science fait souvent de même pour construire ses modèles,

tout d'abord on essaie de classer les objets en familles possédants des traits communs, (classification des espèces vivantes, des étoiles, des volcans, des comportements...)
  puis on cherche des grandeurs conservatives, (énergie en physique, nombre de moles d'atomes en chimie...),  on détermine les invariants (longueur en mécanique classique...)

Dans le cas de problème "compliqués", ces invariants sont difficiles a trouver. Une bonne connaissance des mathématiques peut donner des pistes intéressantes. En effet bon nombres de théories fécondes sont basées sur la recherche d'invariants.

La décomposition

Une première approche fait appelle à la décomposition d'un problème "compliqué" en plusieurs problème "simples".

Cette approche a guidé l'évolution technologique occidentale (l'électronique numérique, la programmation séquentielle...) même si on s'est aperçu que ce moyen, intéressant pour sa simplicité, ne donnait pas toujours des résultats optimums.

Les notions d'espace vectoriel, les décompositions en série et les transformées mettent en avant ce mode de résolution, et montrent que les problèmes linéaires lui sont adaptés. Oui, mais les autres?

Le traitement statistique

Quand on ne peut décomposer un problème "compliqué", et qu'aucun invariant n'est trouvé, on peut chercher des invariants moyens. l'apprentissage de la médecine se fait par comparaison avec un comportement moyen, on peut définir en thermodynamique la température comme une valeur moyenne...

La branche mathématique des statistiques permet une modélisation de cette approche. Elle fait entrer une part d'aléatoire, de hasard dans la démarche scientifique au détriment du déterminisme. Doit-on s'en réjouir ou le déplorer? Qu'importe, il faut surtout confronter ce modèle à la réalité.
Le bilan est mitigé, dans certains cas satisfaisant (thermodynamique, chimie) dans d'autres médiocre (économie), et souvent peu probant, mais à défaut d'autre chose...

L'expérimentation numérique

Avant l'avènement des calculateurs électroniques, bon nombre de problèmes n'étaient pas résolus (et un bon nombre ne le sont toujours pas) car il était impossible d'y voir des invariants. Les modèles mathématiques n'avaient pas de solutions analytiques, ou on pensait que la modélisation serait beaucoup trop lourde pour être résolue.
La possibilité de mener à bien de gros calculs numériques a redonné espoir aux scientifiques. On allait pouvoir s'attaquer à des problèmes de plus en plus compliqués en compliquant les modèles. Les sciences qui ne pouvaient pas utiliser de manière systématique les mathématiques allaient rattraper leur retard, et avec l'accroissement de la puissance de calcul, les modèles scientifiques seraient tellement proche de la réalité qu'on pourrait les confondre.
Cette vision a permis de développer l'expérimentation numérique. Dans certains cas les progrès ont été tels que le calcul sur un modèle  et une expérience donnent des résultats raisonnablement proches. On peut donc penser le calcul comme une expérience, c'est l'expérimentation numérique, qui entre dans les premières phases de réalisation de produits technologiques.
Mais dans d'autres cas, les progrès de l'informatique n'ont pas été suivi de progrès dans la validité des modèles.

Parallèlement, l'outil informatique a permis aux mathématiciens d'étudier de plus près certains problèmes en effectuant des expériences. La réalisation de quelques essais donne une indication sur le résultat qui pourrait être démontré.

Quand le "compliqué" naît du "simple"

En étudiant des modèles simples, non linéaires, Les scientifiques ont eu la surprise de voir apparaître des signes qui semblaient réservés aux problèmes ( et donc aux modèles) compliqués.
Dans le chaos apparent de certains phénomènes, il y avait un ordre, des invariants a chercher. Des objets mathématiques, simples à construire et parfaitement déterminés, portaient en eux ces même invariants.
Il n'y avait plus qu'a étudier ces objets mathématiques et à les confronter à la réalité.

Le chaos déterministe était né:

Porteur d'un grand espoir, des équations simples permettaient de modéliser des phénomènes complexes
Mais aussi de désillusions, la résolution de ces équations était limitée

Récapitulation

La modélisation scientifique s'est, pendant longtemps, et pour des raisons techniques, limitée à des descriptions mathématiques simples (modèles linéaires).

Ces modèles ont beaucoup apporté et apportent encore à la science et à la technologie:

Méthode de décomposition

Bagage de départ pour un progrès ultérieur.

Le traitement (analytique et numérique) de modèles simples, non linéaires, a donné des résultats que l'on croyait réservé à des modèles compliqués. Mais ces traitements ont mis à jour des limitations importantes.

Le chaos déterministe, c'est la possibilité de décrire le complexe avec des modèles simples

A travers la naissance de cette théorie, nous allons découvrir ses principales caractéristiquesWB01675_.gif (219 octets)